Toutelatele

Léa Salamé (Ça se dispute) : « Nicolas Domenach et Eric Zemmour me bluffent »

Tony Cotte
Publié le 20/09/2013 à 15:07 Mis à jour le 17/10/2013 à 18:56

Depuis fin janvier 2011, Léa Salamé fait partie de l’équipe d’i>Télé. Progressivement, la journaliste franco-libanaise a obtenu la confiance de la chaîne. Et plus que jamais, le débat est au cœur de ses émissions, notamment Ca se dispute, proposée chaque vendredi à 21 heures. « Depuis que je le fais, on m’en parle tout le temps dans la rue », assure-t-elle, ravie d’être aux commandes d’un rendez-vous aussi fort et qui se rapproche des débats d’opinion des chaines américaines. Une consécration pour cette jeune journaliste qui, il y a dix ans, suivait déjà l’émission.

Tony Cotte : Cette saison, vous êtes seule à l’antenne du lundi au jeudi pour le Grand JT et On ne va pas se mentir. Vous menez également le débat du vendredi avec Ça se dispute. Quel sentiment vous procure une telle exposition ?

Léa Salamé : Depuis mon arrivée, je suis très bien servie. J’ai monté les échelons les uns après les autres. i>Télé prend le risque de me confier une émission en solo tous les soirs et de me donner Ça se dispute, son programme emblématique. La chaîne joue vraiment sur ça : des grandes signatures comme Laurence Ferrari et Bruce Toussaint et quelques « talents internes », comme ils nous appellent. Je ne peux qu’en être fière.

Ce passage de la coanimation au solo a-t-il suscité de l’appréhension ?

Un duo c’est rare que ça marche en télé et je peux dire ça a très bien marché avec Marc Fauvelle. Désormais, en étant seule à l’antenne, je suis l’unique responsable : si ça ne marche pas, c’est pour moi. Il ne s’agit pas simplement d’un JT, mais d’une émission qui nécessite de mettre sa pâte. C’est un vrai challenge. J’avais une petite appréhension à pouvoir construire un rendez-vous, mais c’est un sentiment que j’apprécie.

Êtes-vous autocritique ?

Énormément. Mais je crois que l’on s’améliore toujours. Personnellement, je me trouve mieux maintenant que lors de la première semaine. Les retours sont assez positifs sur les réseaux sociaux. Je suis plutôt contente.

On assiste à une course à l’audience entre les chaînes d’information : le ressentez-vous dans votre position ?

La course à l’audience est indéniable, mais à i>Télé, nous avons parfaitement conscience de notre rôle de challenger. C’est une position qui permet une certaine prise de risques. Je pense qu’il y a la place pour deux chaînes d’information puisque nous sommes finalement assez différentes.

Comment est vécue cette concurrence en interne ?

On regarde BFM TV avec respect, mais je n’ai pas de patronne qui vient tous les matins comparer les chiffres de ma case avec ceux de la concurrence. Quand ça marche, on vient me féliciter. Les dirigeants ne nous renvoient pas la pression des chiffres qu’ils peuvent avoir ; ils nous laissent faire notre travail.

« La course à l’audience est indéniable »

Ça se dispute est un rendez-vous emblématique qui fête, ce vendredi 20 septembre, ses 10 ans. Votre prédécesseure Maya Lauqué vous a-t-elle donné un quelconque conseil avant de vous passer le relai ?

Je la connais et on s’entend bien, mais elle ne m’a pas donné de conseil. Je sais qu’elle a pris du plaisir à l’animer. Après, chacun vient avec sa personnalité et met son petit grain de sel. En revanche, il faut prendre conscience de sa place : la star du programme, c’est son duo...

... un duo que l’on peut imaginer incontrôlable ?

C’est surtout un duo très au-dessus du panier intellectuellement. En tant que chaîne d’information, on a l’habitude de recevoir des chroniqueurs et des invites spécialistes, mais je peux vous dire que Domenach et Zemmour me bluffent. Ce sont des hommes qui bossent vraiment et qui prennent plaisir à gagner des points. À chaque coupure publicitaire, l’un se félicite de l’avantage qu’il a pu prendre sur l’autre.

Partie 2 > De l’incident technique au duo de Ça se dispute

Comment expliquez-vous leur dynamique ?

Le duo marche, car ce ne sont pas des amis dans la vie. Souvent dans les émissions, les gens font semblant d’être en désaccord, se tapent la bise puis dînent ensemble. Domenach et Zemmour s’apprécient, se respectent, ils se connaissent depuis sept ans et débattent toutes les semaines ensemble, mais ne se voient pas à l’extérieur. Ils le disent eux-mêmes : ils sont « naturellement diamétralement opposés idéologiquement ».

Comment les décririez-vous respectivement ?

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Éric Zemmour, que l’on partage ou non ses opinions, ne surjoue pas à l’écran. Ce n’est pas un animal de foire, mais un idéologue. Il est face à un homme, disons, plus humaniste.

En 2008, nombreux ont fait part de leur indignation suite aux propos d’Éric Zemmour. Un cas qui permet de soulever la question de la liberté de parole. Peut-on tout dire dans l’espace public ?

Je pense qu’il y avait plus de liberté en télé avant, notamment à la grande époque d’Ardisson. Mais le propre de Ca se dispute est qu’Éric Zemmour peut dire ce qu’il veut, il n’y a aucune censure. Il a bien érigé il y a quelques jours Poutine en héros ! En revanche, je pense qu’il sait ce qu’il a à dire et à ne pas dire dans un cadre public. Lui comme Nicolas Domenach sont des grands garçons et maîtrisent l’outil médias.

Récemment, un petit incident technique vous concernant a été particulièrement relayé (on a pu l’entendre s’étonner de son décolleté avant une prise de relais en direct, ndlr). Comment le vivez-vous ?

Ça a été très difficile pendant les 24 heures qui ont suivi. J’ai hurlé devant tout l’immeuble comme une folle. J’étais au fond du trou : je ne savais plus où me mettre. Et j’ai fini par assumer ; après tout, il n’y a pas mort d’homme. On m’a beaucoup sollicitée pour réagir sur ma phrase à la con. Évidemment, j’aurais préféré buzzer pour une interview exclusive de Bachar el-Assad. Ma direction m’a plutôt soutenue et je vous assure que je fais désormais très attention à ce que je peux dire quand j’ai un micro à proximité.

« Je fais désormais très attention à ce que je peux dire quand j’ai un micro à proximité »

En tant que franco-libanaise, quel regard portez-vous sur l’actualité internationale du fait que le pays abrite de nombreux réfugiés syriens ?

C’est un sujet qui, personnellement, me touche plus que les autres. J’essaye d’être neutre sans donner mon avis. Il y a un dédoublement sur cette question entre la journaliste française que je suis et ma sphère privée.

Comment jugez-vous le traitement journalistique français de ce conflit ?

Je me réjouis que tout le monde en parle. Ça fait deux ans qu’il y a une guerre en Syrie, et c’est vrai que depuis l’attaque chimique du 21 août, les points d’information reviennent fréquemment dessus et les 20 heures en font leur ouverture. Je n’ai pas à apporter un jugement de valeur, mais les journalistes font naturellement bien leur travail au vu des liens privilégiés qu’il y a entre la Syrie, le Liban et la France. De très bons documentaires ont été faits sur le sujet, je pense notamment à la couverture du Monde de Laurent Van der Stockt qui a enquêté sur les charmes chimiques ou encore au travail de Patricia Chaira pour Le Supplément de Canal+.

Aimeriez-vous proposer un documentaire ou une émission spéciale autour du conflit syrien pour i>Télé ?

Je ne suis pas la bonne personne pour le faire. Il y a peu, Laurence Ferrari était dans un camp de réfugiés en Jordanie où elle a pu faire des duplex. Elle est plus à même de couvrir ce genre d’événements. Moi, je baigne trop dedans. Je pense que je préfère être aux commandes d’une émission spéciale sur la politique française ou sur les États-Unis.