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Pascale de La Tour du Pin (La Matinale / LCI) : « Regarder la concurrence peut nous polluer et semer le doute »

Joshua Daguenet
Par
Rédacteur TV & Séries
Publié le 15/06/2020 à 07:15

Depuis septembre 2017, Pascale de La Tour du Pin est en charge de la matinale de LCI. La journaliste donne ses ingrédients d’une recette idéale pour réveiller les Français en les informant. [L’interview a été réalisée avant la crise du Covid-19]

Joshua Daguenet : Les audiences des chaînes infos tombent à 11 heures chaque matin. Comment analysez-vous vos performances au quotidien ?

Pascale de La Tour du Pin : Il est difficile d’analyser les audiences au quotidien, nous regardons cela avec une analyse mensuelle. C’est une vraie expertise qu’il faut avoir et ce n’est pas mon métier. Ce n’est pas un match au jour le jour, nous menons plutôt une compétition de fond.

Les cibles commerciales sont un enjeu pour les matinales sur les chaînes d’information. Comment vous démarquez-vous ?

Je pense que la tonalité de la matinale peut-être un élément. Dans ma tranche, j’ai des journaux, des éditos, des chroniqueurs, des humeurs et un débat à 8h20. Ce panel d’offres peut séduire ce public parce que nous prenons le temps. Je veille à avoir un ton convivial et de donner le sentiment au téléspectateur qu’il fait partie de la famille.

Les audiences de LCI talonnent celles de France Info. Considérez-vous cette dernière comme étant votre principale concurrente ?

Non, parce que France Info n’a pas la même structure que nous. Je ne suis pas dans le match de la concurrence. En arrivant sur LCI il y a deux ans et demi, je souhaitais installer une équipe de chroniqueurs, d’éditorialistes et de donner de l’humeur à la matinale. Je n’ai pas changé et on s’est amélioré de saison en saison en termes de qualité et d’offre. Quand je suis arrivée, la tranche était à 1.4% de part de marché, et plus vous avez des résultats, plus on vous offre des moyens. [3.3% de part de marché en moyenne depuis le début du mois de juin, NDLR]

Vous mettez en avant la politique dans votre matinale. Or, les audiences TV montrent que les Français se désintéressent de plus en plus de cette thématique. Comment évoluez-vous face à ce constat ?

Sur sa forme, le traitement de la politique dans la matinale est très différent de ce que propose LCI le reste de la journée. J’essaie de mettre en place des angles concernants. Le pur débat politique ne m’intéresse pas, je souhaite qu’elle intègre les téléspectateurs.

« Plus vous avez des résultats, plus on vous offre des moyens »

Les interviews politiques sont présentes dans les principales matinales. Comment celles de LCI se démarquent-elles ?

Elisabeth Martichoux a son propre ton. Elle est une intervieweuse politique de renommée. Se démarquer est une question de personnalité et des invités présents sur le plateau.

Hélène Mannarino, Jean-Michel Aphatie et Élisabeth Martichoux sont très affiliés au monde de la radio. Pourquoi miser autant sur des « voix » ?

Elisabeth Martichoux vient de la radio, mais elle n’y est plus aujourd’hui. Ce constat est dû au hasard. Hélène Mannarino ne fait de la radio que depuis cette année, elle a accepté une superbe proposition sur Europe 1. Jean-Michel Apathie n’est plus non plus à la radio. Ce choix de recruter des « voix » n’était pas délibéré. Cependant, la radio est un média formidable qui nourrit énormément quand on arrive en télévision.

L’expérience des matinales, même radiophoniques, a pu faire pencher la balance...

Effectivement, le rythme d’une matinale radio est très proche d’une matinale télé, car elles comportent de nombreux repères permettant à l’auditeur et au téléspectateur de prendre ses marques.

Vous avez délocalisé les interviews politiques en région pendant les municipales. L’objectif est-il d’être encore plus proche des Français ?

Bien sûr, mais cet objectif est présent tout le temps. J’ai toujours aimé donner le sentiment de parler au téléspectateur et créer une proximité avec lui. Le fait de délocaliser l’interview politique est un signal fort allant dans ce sens. Par exemple, les priorités à Lille ne sont pas les mêmes que les priorités à Lyon.

« Tous ceux qui travaillent sur la matinale ont pris conscience de l’ampleur que la mort de Johnny Hallyday allait avoir au réveil des Français »

Vous êtes la seule femme à incarner seule une matinale. Est-ce une fierté ?

Oui, j’en suis fière, mais j’espère que c’est le fruit du hasard. Je n’y pense pas quand je travaille, mais j’espère qu’il y aura plein d’autres femmes à ma place.

Prendre l’antenne de si bonne heure nécessite un travail de nuit. Comment se construit quotidiennement une matinale ?

Une matinale ne s’arrête jamais. Le dimanche, nous commençons à échanger sur les thèmes avec Bastien Morassi [rédacteur en chef, NDLR] qui nous a rejoints cette année. Ensuite, les angles des chroniques sont affinés, mais nous ne les calons pas trop à l’avance, car elles peuvent changer selon l’actualité. Ce qui est aussi valable pour les éditos et les billets d’humeur. Il faut savoir se projeter sur le lendemain pour déterminer ce qui fera l’actualité. Les journaux se construisent parallèlement avec l’équipe de la matinale pour offrir du contenu, du reportage, des interviews. Une matinale impulse l’actualité de la journée. Des sujets que nous avons traités le matin se retrouvent à la Une en soirée.

Vous avez révélé dans une récente interview que l’événement marquant à vos yeux de ces dernières années était le décès de Johnny Hallyday. Que s’est-il passé à LCI lors de l’annonce de la mort du rockeur ?

L’information était tombée dans la nuit - entre 2h30 et 3 heures. À LCI, la machine s’est mise en route très vite. Nous avons pris l’antenne à 5 heures du matin et l’antenne a également été retransmise sur TF1 jusqu’à 9 heures du matin. Tous ceux qui travaillent sur la matinale ont pris conscience de l’ampleur que cette information allait avoir au réveil des Français.

Comment s’organise la rédaction quand elle bascule en édition spéciale ?

J’ai toujours été à l’antenne, mais je peux vous dire que derrière, ça pulse. Pour alimenter l’antenne, il s’agit de passer des coups de fil pour avoir des invités en plateau, envoyer des reporters pour couvrir les événements et récupérer des images. Il faut faire « vivre l’info » et rester sur ce fait majeur, car les gens vous rejoignent progressivement.

La concurrence est-elle un élément de comparaison indissociable à l’évolution de sa propre matinale ?

Nous faisons des choix et nous les assumons. Parfois, regarder la concurrence peut nous polluer et semer le doute. Bastien regarde pour savoir si nous avons raté quelque chose, mais il ne faut pas se sentir déstabilisé. Cela permet aussi de se différencier même si les ouvertures sont similaires quand l’actualité l’impose. J’espère que les gens savent pourquoi ils regardent LCI le matin.

Avez-vous des références de matinales internationales ?

Les matinales Américaines bien évidemment ! Elles sont bien plus « entertainment » que les matinales Françaises. Ce n’est pas la même ambiance. Nous nous sommes inspirés à un moment, car elles sont une véritable institution là-bas. Elles sont l’équivalant d’un 20 heures chez nous. Télématin pourrait se rapprocher de ce qui se fait aux États-Unis, mais Télématin n’est pas vraiment une matinale d’information. Les Américains sont très forts en terme de réalisation, ils sont inventifs. Mais cela n’a aucun intérêt de le reproduire en France.