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Stéphanie Guérin (productrice de Ça commence aujourd’hui) : « Avec Faustine Bollaert, nous travaillons à l’instinct car nous avons le goût des autres »

Joshua Daguenet
Par
Rédacteur TV & Séries
Publié le 18/11/2019 à 13:47

Productrice de l’émission Ça commence aujourd’hui, Stéphanie Guérin se réjouit de son succès, bien consciente que son animatrice Faustine Bollaert en est l’une des grandes bâtisseuses. Cependant, sa préoccupation principale est d’assurer la proximité entre ses équipes et les témoins de l’émission. Quant à l’ambition de positionner un jour son programme en tête des audiences devant TF1, Stéphanie Guérin préfère relativiser.

Joshua Daguenet : Comment expliquer le succès progressif mais certain de l’émission ?

Stéphanie Guérin : Cela fait douze ans que je fais du témoignage, donc je sais fabriquer ce produit. Maintenant, la personnalité, le caractère, la spontanéité, le naturel, la gentillesse, l’empathie, l’étonnement, et parfois la naïveté de Faustine Bollaert amènent beaucoup de choses. Elle apporte toute la chair humaine, l‘humeur de l’émission. La greffe a pris avec les téléspectateurs et ce produit quotidien est super.

Il parait difficile, à vos yeux, d’envisager Ça commence aujourd’hui sans son animatrice…

Elle apporte énormément de par son caractère et sa personnalité. On peut évidemment placer quelqu’un d’autre à l’animation mais jamais je n’ai à lui dire, par exemple, de se mettre à côté d’un invité car il risque d’être ému. Elle a cette spontanéité, donc oui, sans Faustine, ce ne serait pas la même sève, le même sel.

Comment ont été recrutés les experts ?

Certains sont avec nous depuis longtemps, comme Marc Geiger, notre avocat, déjà présent du temps de Ça se discute avec Jean-Luc Delarue. Nous enrichissons l’équipe au fur et à mesure chaque année. Nous recherchons des gens intéressés par l’exercice, qui ont le goût des autres, et qui soient clairs et concis dans l’apport des conseils. Ils doivent savoir transmettre des notions de psy tout en vulgarisant le propos. Nous sommes attachés à faire venir des experts de partout et non pas seulement des Parisiens qui seraient dans l’entre-soi. Notre avocat vient du Sud, notre gynécologue est Niçois...

« Il faut des thèmes nouveaux qui ne donnent pas l’impression d’un numéro de Ça se discute en 1998 »

Comment s’organise le planning entre la gestion des thèmes et des différents intervenants ?

L’équipe est une grosse usine. Je gère la rédaction, la production et la post-production. Ce qui représente 70 personnes. Il faut 160 thèmes pour tenir toute l’année et des thèmes nouveaux qui ne donnent pas l’impression que nous reproduisons un Ça se discute de 1998. Les sujets doivent être dans l’air du temps. C’est une espèce de gros tableau Excel avec plein d’entrées dans tous les sens. Quand on propose par exemple une semaine spéciale faits-divers, nous veillons à ce que Marc Geiger soit disponible et non occupé aux assises car nos experts ont un métier à côté.

Réservoir Prod s’occupe également de C’est mon choix. Continuez-vous à suivre les émissions inédites diffusées sur Youtube ?

Je suis un peu car je travaille à Réservoir Prod et je sais ce qui se fait. Par contre, à aucun moment je me dis « Attention à ne pas se marcher sur les plates-bandes » car les deux exercices n’ont rien à voir. Les thèmes, les gens recherchés et les messages véhiculés sont très différents.

Ça commence aujourd’hui est dorénavant installé à la deuxième place des audiences derrière TF1. Est-ce un objectif de positionner France 2 en tête à 14 heures ?

Cela va vous paraître fou, mais avec Faustine, nous ne travaillons pas du tout comme ça. Nous souhaitons faire la plus belle émission possible et prendre notre pied à la préparer ainsi qu’à l’animer. Jamais notre réaction est de se dire : « On va les avoir, on va les avoir ! ». Nous sommes super contents quand on fait 15.8% [record historique de l’émission à date de l’interview, ndlr] mais nous travaillons à l’instinct car nous avons le goût des autres. Nous fonctionnons avec le cœur, pas dans le calcul, la mécanique ni le formatage.

Faustine ou vous-même avez-vous déjà refusé ou annulé certains thèmes ?

Oui ! Nous vérifions tous les témoignages avant qu’ils arrivent sur le plateau. Par exemple dans notre semaine justice, nous avons galéré pour recueillir les témoignages d’hommes battus car ils osent moins parler que les femmes donc ils sont moins nombreux à porter plainte et faire un procès. Par conséquence, beaucoup n’avaient pas tous les documents nécessaires pour prouver leur histoire. Ce sont des contraintes essentiellement juridiques. Au début de l’aventure, nous n’avons pas osé nous lancer dans certains thèmes car il fallait laisser du temps à Faustine de s’installer. Aujourd’hui, nous ne nous interdisons rien.

« Nous savons tout de la vie de nos invités [...] cette télé n’est pas comme les autres »

Comment sélectionnez-vous les invités que vous retrouvez dans la déclinaison matinale ?

Une fois que l’émission de l’après-midi est terminée, les invités ne sont pas lâchés dans la nature. Les équipes restent en permanence au contact. Cette émission est une grande famille et mon équipe me donne des petits mots pour m’informer. Après, nous rappelons tout le monde pour le rendez-vous du matin mais on sait déjà ce qui se passe dans leur vie. On sait qu’untel est allé aux Etats-Unis pour faire une GPA, que X et Y se sont mariés… Le mot « famille » n’est pas seulement utilisé à la télévision, c’est la réalité.

Sophie Davant avait craint, dans une interview, que son émission Affaire conclue ne lasse à cause des trop grandes rediffusions. Vous êtes-vous posée cette question lors de l’arrivée de Ça commence aujourd’hui en matinée ?

Pas tant lors de l’arrivée de l’émission le matin mais plutôt cet été lorsque nous avons été beaucoup rediffusés. On se demandait si on n’allait pas tuer la marque et s’il n’était pas préférable de disparaître un petit peu et de recréer le désir comme dans un couple. Nous avions tort puisque les rediffusions ont cartonné et nous avons découvert un nouveau public. Peut-être aussi que des gens apprécient de revoir l’émission.

En plus de deux saisons, l’émission n’a essuyé aucune polémique. Quelles sont les précautions ?

Les journalistes sont au contact des invités quinze jours avant l’émission à raison de deux heures par jour. Nous cherchons à vérifier et demandons à rencontrer le fils, la cousine, la boulangère… Nous savons tout de la vie des gens. Cela n’existe dans aucune autre rédaction. Les journalistes sont très fidèles et j’ai les six mêmes rédacteurs en chef depuis le départ. Cette télé n’est pas comme les autres.