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The Voice : comment Julie Erikssen est devenue Jody

Tony Cotte
Publié le 22/02/2014 à 12:59 Mis à jour le 02/03/2014 à 18:42

En 2003, sous le pseudonyme de Jody, elle chantait Dans ce monde, un titre dans lequel elle affirmait son envie d’explorer de larges horizons et de croquer la vie à pleines dents. Mais les débuts de la crise dans l’industrie du disque ont eu raison de ses ambitions. Dix ans plus tard, Julie Erikssen, désormais âgée de 31 ans, revient grâce à The Voice. « Ce n’est pas un concours de chant, mais une émission de télévision. Je prends ce qu’on a à me donner sans rien exiger », prévient la joviale Normande qui refuse de parler de « revanche », mais d’un simple « retour à la lumière ». Rencontre.

Tony Cotte : Ce samedi 22 février, on vous retrouve pour la deuxième fois de la saison, à l’occasion des « battles ». Dans quel état d’esprit êtes-vous ?

Julie Erikssen : Je suis très stressée puisque je dois chanter un titre qui ne correspond pas du tout à mon univers. Je n’ai pas eu l’occasion de pouvoir l’adapter, n’étant pas toute seule pour l’interpréter. Je chante avec les musiciens et nous devons être proches de la version originale. J’avoue que je suis ne pas très à l’aise...

Combien de temps s’est écoulé entre la première audition à l’aveugle et ces « battles » ?

[Elle hésite.] Je ne saurais pas vous dire. Peut-être un mois ? J’ai passé tellement d’auditions avant mon premier passage.

Pouvez-vous nous expliquer tout ce processus ?

Un jour, une femme de la production m’a contactée par Facebook après avoir vu des vidéos sur Youtube. Je ne me sentais pas forcément prête, mais elle a fini par me convaincre. J’y suis allée et elle avait raison : j’ai pu vivre une très bonne expérience. On comprend vraiment l’enjeu de The Voice au fil des étapes. Il y a d’abord deux pré-castings avec quelques membres de l’équipe. La troisième fois, il s’agit d’une répétition pour le quatrième passage qui, lui, se fait devant les dirigeants de TF1 et, je crois, d’Universal. Si on le réussit, on décroche le sésame pour le passage devant les coaches. Le stress est vraiment palpable en permanence.

« On comprend vraiment l’enjeu de The Voice au fil des étapes »

Lors du premier épisode de la saison, on a pu vous découvrir en interprétant Underwater de Mika. Pourtant, celui-ci ne s’est pas retourné...

Oui, le coquin ! [Rires.] J’ai déjà fait des émissions de télévision, je connais donc l’adrénaline, mais je n’avais jamais vécu ça. Je ne me rappelle pas vraiment ce qui s’est passé... J’étais de biais par rapport au jury et j’ai entendu les buzz sans connaître l’identité de la personne. Mika a été élogieux par la suite. Il m’a fait de tels compliments que je suis toujours un peu surprise qu’il ne se soit pas retourné. Mais je suppose qu’il y a des stratégies pour composer des équipes, ce que je peux comprendre.

Vous avez su convaincre Jenifer et Florent Pagny. Pouvez-vous justifier votre choix pour ce dernier ?

Je ne savais pas du tout qui choisir ; ils ont tous les deux de très belles carrières. Je pense que j’ai opté pour Florent Pagny en apprenant qu’il avait été le premier à se retourner. J’étais sur un petit nuage, sans vraiment avoir le temps de raisonner. Peut-être, inconsciemment, voulais-je également en apprendre plus à ses côtés sur la technique vocale ?

Partie 2 > Son passé en tant que Jody


À aucun moment dans l’émission on ne sait que vous étiez, près de dix ans auparavant, Jody...

C’était volontaire. Quand j’ai pris ce pseudonyme, j’étais adolescente et dans une ambiance artistique très différente de celle d’aujourd’hui.. Je n’avais pas envie qu’on me mette une étiquette ; je voulais arriver vierge. La révélation n’est pas très grave et je m’y attendais puisque j’ai révélé des éléments sur mon passé de chanteuse ; ça ne pouvait qu’attiser la curiosité.

Quels souvenirs gardez-vous de cette période lorsque vous étiez signée chez Sony Music ?

Lors d’un concert, auquel j’ai participé en tant que choriste, un producteur m’a entendue dans les loges alors que je ne faisais que chantonner. J’avais des maquettes sur moi et je lui ai fait écouter. En quelques mois, il a réussi à me faire signer dans cette grande maison de disques. J’ai tourné des clips à l’étranger, je suis allée à Phoenix, dans l’Arizona, à Montréal... J’étais vraiment aux anges de vivre une telle expérience à seulement 19 ans.

Ce producteur en question est Johnny Williams, à qui l’on doit les succès de Lorie. Seriez-vous prête à collaborer à nouveau avec lui si l’occasion se présentait ?

C’est une personne très pro et sympa, mais j’ai de nouvelles équipes désormais. Johnny Williams était à la fois mon producteur, mais il occupait également le rôle de manager. Il avait les relations avec Sony et était impliqué musicalement. Peut-être à titre « managériale », pourrais-je avoir besoin de ses services ? Mais artistiquement, j’ai évolué.

« Dans mon passé, il y avait des choses sur lesquelles je n’avais aucune emprise, comme le playback en télé »

L’année suivante de Dans ce monde, votre premier single, vous avez sorti un deuxième titre qui n’a pas rencontré le succès, Entre l’ombre et la lumière. On a pu vous découvrir brune et dans un style plus « sauvage ». S’agissait-il d’une stratégie marketing de la part de votre maison de disques pour surfer sur le succès d’Emma Daumas ?

Pas du tout ! Ils n’étaient pas vraiment contents d’ailleurs. C’est le problème de l’âge : à 20 ans, j’avais coécrit ce titre sur une expérience vécue et je voulais une cohérence artistique. J’ai plus au moins imposé cet univers plus « dark ». Le choix du single dans l’album a certes été fait par Sony, mais je suis arrivée avec une nouvelle couleur de cheveux de mon propre chef. Mes producteurs n’étaient pas contents. Pour eux, je n’étais pas assez connue pour me permettre un changement de look et les gens n’avaient pas la possibilité de me reconnaître. Moi, j’y croyais...

Avec le recul, estimez-vous avoir bénéficié d’une vraie liberté artistique ?

Les maisons de disques ont pour métier de vendre de la musique. Ils ont des idées précises sur la façon de procéder. Mais si ça ne correspond pas à ce que vous, en tant qu’artiste, vous pensez, personne ne peut vous forcer. On ne m’a pas enchaînée. [Rires.] En revanche, il y avait des choses sur lesquelles je n’avais aucune emprise. Le playback en télé, par exemple. Les plateaux n’étaient tout simplement pas équipés pour proposer des performances réellement en live, du coup nous n’avions pas le choix pour assurer notre promotion. C’était pour tout le monde pareil. Ça m’a toujours fait halluciner.

Partie 3 > La rupture de son contrat avec Sony Music


Les médias vous ont appelée la « Avril Lavigne française ». Cette comparaison vous plaisait-elle ?

C’est toujours un peu ennuyeux d’avoir une étiquette. Surtout qu’à l’époque, elle était plus punk que moi. Mais ce que je faisais était un peu nouveau en France, la référence était inévitable pour situer le public.

Entre les tournages à l’étranger et les différents plateaux de télévision, vous avez connu les derniers beaux jours de l’industrie. Comment le vit-on de l’intérieur ?

Je bénéficiais en effet d’un gros budget. J’avais ce statut particulier, dont j’ai oublié le nom, et par lequel j’étais une priorité en termes de développement d’artiste pour Sony. C’était l’époque où ça marchait, mais l’industrie a été brusquement frappée...

La rupture de contrat a-t-elle été difficile à vivre ?

Il n’y a eu aucune violence parce que personne ne m’a annoncé que ça s’arrêtait. Seuls mes producteurs me répondaient au téléphone. Ils m’ont expliqué que Sony allait fusionner avec BMG et que 50% des salariés allaient se retrouver sans travail. Le groupe n’avait plus du tout en priorité de développer de jeunes artistes. Au fur et à mesure des mois, sans nouvelles, j’ai compris que l’aventure avait pris fin. J’ai commencé à chercher un job, car je ne gagnais pas d’argent. Toutes les performances et les scènes étaient considérées comme de la « promotion » et, de fait, étaient « gratuites ». A 20 ans, mes parents et mes amis m’aidaient, mais j’avais envie d’être indépendante. J’ai été élevée par une famille qui a rencontré de vrais problèmes financiers. J’ai grandi avec l’importance permanente de devoir s’assurer une sécurité. Quand j’ai commencé à m’assumer, j’ai énormément travaillé et je n’ai plus eu de temps pour moi. Je n’ai clairement pas vu les années passer...

« Sony Music ne m’a jamais annoncé la rupture de mon contrat »

Regrettez-vous cette situation ?

Je ne regrette jamais rien. Je suis convaincue que tout est bon à prendre dans la vie et je crois aussi que je n’étais pas prête artistiquement. J’ai arrêté de travailler il y a un an et demi à la suite d’un burnout. En négociant une sortie avec mon CDI, j’ai été tranquille quelques mois pour me consacrer à nouveau à la musique.

Estimez-vous connaître désormais les pièges dans lesquels vous ne souhaitez pas tomber ?

On ne peut jamais dire qu’on connait tout. J’ai vu la petite Leïla avec sa guitare ou le petit Elliott cette saison. Ils n’osent rien dire quand les stylistes leur imposent un style. À 30 ans, certes j’essaye toujours de jouer le jeu, mais je suis moins impressionnée et malléable. Je me méfie également de ceux qui veulent travailler avec moi à la suite de mon exposition dans The Voice. Il n’y a souvent rien de concret derrière. Sans être devenue une professionnelle, j’estime avoir un petit recul sur ce milieu.

Vous parlez d’un style musical très différent aujourd’hui. Comment vous présenteriez-vous en tant qu’artiste ?

Le jazz m’a toujours fait rêver ; j’en ai beaucoup écouté dans ma jeunesse grâce aux disques de mes parents. Mais je n’ai jamais eu l’occasion d’en faire. Adolescente, j’habitais en Normandie et il n’y avait pas de scène jazz. Le conservatoire n’avait pas encore de branche dédiée. À Paris et à mon âge, tout est possible. Je suis beaucoup sortie dans les clubs et ça fait un an que je travaille sur un projet. L’enregistrement de mon EP a lieu début mars. Il devrait être disponible sur iTunes aux alentours du 20 mars. Du coup je travaille beaucoup. Je suis seule : je n’ai ni manager, ni attaché de presse.