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Zemmour, Praud, Ferrari, Kelly... comment CNews a réussi à imposer son format talk dans le PAF

Joshua Daguenet
Par
Rédacteur TV & Séries
Publié le 16/02/2021 à 19:11 Mis à jour le 21/02/2021 à 23:50

CNews a changé son braquet entre 2019 et 2020 avec l’arrivée d’Eric Zemmour et Face à l’info. Une nouvelle dimension également acquise par une stratégie divergente.

L’arrivée houleuse de Face à l’info en octobre 2019, combinée au recrutement d’Eric Zemmour, a constitué un véritable tournant pour CNews. Un coup d’éclat qui avait pourtant suscité un vif émoi en interne. Tout en brillant en access, Christine Kelly et ses invités ont réveillé une grille jusqu’alors en perdition dans un contexte financier qui laissait craindre le pire pour celle qui parvient aujourd’hui à malmener BFMTV, longtemps intouchable.

Pour preuve, ce mercredi 10 février 2021, jusqu’à 1,04 million de Français étaient présents simultanément pendant les débats menés par Christine Kelly dans Face à l’info . Dix-huit mois en arrière, entre 19 heures et 20 heures, 50 000 curieux avaient encore le réflexe de zapper sur une chaîne en nette difficulté, plombée par une grève d’un mois en 2016 qui avait provoqué le départ d’une grande majorité de journalistes et de la marque « I>Télé ». CNews revient de loin et il lui a fallu opérer un virage à 360 degrés pour multiplier ses audiences et solidifier des programmes jusqu’alors peu exposés malgré la présence de noms confirmés tels que Laurence Ferrari, Patrick Poivre d’Arvor, Jean-Pierre Elkabbach ou encore Thomas Hugues.

De rares images chez Pascal Praud, aucune pour Face à l’info

Si le succès incontestable d’Éric Zemmour a eu un effet domino, le compère d’Éric Naulleau n’explique pas à lui seul les montées en grade progressives de la chaîne d’information. Alors que BFMTV et la plupart de ses rivales continuent d’offrir leur « priorité au direct », la stratégie de CNews tend à se démarquer. En effet, la chaîne d’information privilégie désormais les analyses en plateau, quitte à se désintéresser des prises de parole politiques « en direct » et des conférences de presse qui se sont démultipliées en un an avec le contexte sanitaire.

Dès le printemps 2020, les interventions de Jérôme Salomon - directeur général de la santé - ont été supprimées de l’antenne et la chaîne d’information a laissé Christine Kelly dérouler son programme.

Un revirement qui a -d’ailleurs- coïncidé avec l’envolée de Face à l’info, dont les records d’audience se sont enchaînés entre avril et mai 2020. Depuis, Olivier Véran et Jean Castex ne reçoivent pas davantage de considération quand leur prise de parole déborde pendant le talk devenu incontournable sur la chaîne, en dépit des appels au boycott. En revanche, LCI, France Info et BFMTV arrêtent spontanément leur programme respectif dès qu’une telle conférence de presse intervient.

La starisation du plateau est également appuyée à travers des entrecoupes limitées, voire nulles, des débats par des images d’actualité raréfiées sur les différents rendez-vous, peu importe l’heure. En quatre-vingt-dix minutes, Clélie Mathias, aux commandes de La Belle Équipe, ne s’appuie uniquement sur un(e) ou deux reporters afin d’alimenter les sujets de l’après-midi. Même rythme, adopté par Sonia Mabrouk en milieu de journée avec son Midi News, laissant également peu de place au journalisme de terrain.

Hauts plateaux sur CNews

Tandis que les seules images d’actualité utilisées dans Face à l’info sont celles du sommaire, Pascal Praud en est lui aussi réduit à quelques interventions extérieures par à-coups. Assez fréquemment, il reprend des extraits de l’émission précédente pour proposer les analyses d’Eric Zemmour. Avec la première édition de L’heure des pros , Morandini Live ainsi que le Punchline de Laurence Ferrari, CNews enchaîne pas moins de douze heures de débat en continu.

Un format qu’elle a un peu plus renforcé dès le début de l’année 2021 en avançant de trente minutes Soir Info, incarné par Julien Pasquet, et qui propose un « Grand Débat » à 22h25 avant de rendre l’antenne aux alentours de 23h50. En somme, La Matinale du soliste Romain Desarbres fait office d’exception avec un concept longtemps accolé aux chaînes d’info, mais qui limite drastiquement la durée d’écoute du public, là ou un débat peut maintenir les téléspectateurs de la première à la dernière seconde.

Un déficit divisé par 15

Dans le prolongement, Christine Kelly et Marc Menant ont été récompensés de leurs bonnes performances en semaine en se voyant confier une nouvelle émission hebdomadaire, La belle histoire de France, accompagnée d’un spécialiste en la matière, Franck Ferrand. Une émission à suivre chaque dimanche à 14 heures, et rediffusée à 20 heures le vendredi, et à 21 heures le samedi.

Du côté des résultats bruts, tandis que le groupe Canal concédait une perte de 23% sur son chiffre d’affaires entre 2016 et 2017 tout en s’adjugeant 5.1% du public, CNews a soulagé le groupe en doublant sa part de marché entre 2019 et 2020 (1.4%). Serge Nedjar, directeur général du canal 16 de la TNT, rappelait dans une interview accordée aux Echos que le déficit de la chaîne s’est situé aux alentours de 2 millions d’euros pour l’année écoulée, contre 30 millions sous l’étendard I>Télé.

Le sacrifice du terrain, mais aussi la rediffusion en prime de grands documentaires programmés en inédit sur C8, à l’instar de De Charlie Hebdo au Bataclan, ont contribué à alléger le budget de CNews qui s’est imposé comme la principale concurrente de BFMTV sur le marché de l’information. La route vers les Présidentielles 2022 s’annonce ainsi comme un énorme bras de fer entre les deux canaux.